Enfances (SP1, 9-10)
Au seuil de ma comédie intérieure
Est une grille à mon chiffre forgée ;
Et quand on prend le layon qui s'enfonce
Vers mon fond d'enfance au printemps léger
On trouve soudain dans un nid de ronces
La grille plantée sur le fil des heures.
On ne sait pas trop ce qu'elle sépare :
Le vent du matin et le vent du soir
Passent l'un et l'autre à son or terni :
Derrière et devant les bois se prolongent,
Les bêtes des bois et celles des songes
Ne s'en effraient plus et passent aussi.
Et je fais de même, un peu hésitant,
Flairant mon chemin, le nez contre terre,
Cherchant au-delà une autre barrière,
Une grille ornée de trois cœurs d'enfants,
Car nous avons joué, entre sœur et frères,
Au jeu de la vie depuis si longtemps.
C’était un beau jeu, plein de mots de passe,
Et peuplé de fées qu'on se partageait,
Inventant chacun leurs traits et leur grâce
Avant de les mettre en partie commune :
Voici la clairière et son clair de lune,
Voici le trou d'ombre où rien n'est changé.
Phylis avait le pays de la Mer,
Celui du Vent que j'aurais tant voulu,
Aymar le Soleil, et moi les Rivières ;
J'étais le dernier à pouvoir choisir
Dans ce monde ouvert, mon petit empire,
Mais ce fut le bon : il a survécu.
Le pays des eaux bordées d'herbe haute,
Le génie des chiens et la fée des bois
Je n'aurais pas pu les laisser aux autres…
Oui, bien peu de choses sont vraiment mortes :
C est le même nom toujours qu’elle porte,
Ma petite Phyldevierge d'autrefois.
Tout cela qui fut notre vraie histoire
Nous l'avons chanté de nos voix trop tendres
Dans les chemins creux et bordés d'ajoncs ;
Elles sont parties loin de nos mémoires
Nos vieilles chansons avec leurs légendes,
Et elles sont bien, là où elles sont.
Protégées du temps, du déclin des mondes,
Protégées de nous qui avons mûri,
Et des étrangers qui voudraient les prendre…
Parfois un écho en remonte encore,
Comme un bercement de mer engloutie :
Ah ! l'écho de mer tout au fond des corps…
J’attends beaucoup du matérialisme
Carnets de route
Notre relation intérieure peut être parfaite, ce qui est lu ne présenter aucune faille à ce qui lie, ce que nous sommes être admirablement compréhensible à notre esprit, cela ne veut rien dire : car si la référence de notre esprit est ce que nous sommes et si la référence de ce que nous sommes est notre esprit - ou même si la référence de notre esprit est le monde - la référence de la bonté de notre esprit n'est pas justifiée.
J’attends beaucoup, en quelque sorte, du matérialisme, qui nous fait tellement dépendants du corps du monde, pour nous faire entrevoir mieux l’Église comme corps du Christ : car si nous dépendons tellement du corps non sanctifié, non habitable complètement, et que nous perdons une trop grande illusion sur l’autonomie individuelle, la liberté, la volonté, le mérite accrochés au moi - ou à leur essence autonome, le bond vers la dépendance du corps sanctifié sera plus aisé :
qu'on détermine toutes mes actions par l’extérieur, un extérieur auquel je suis tellement lié que j’y suis presque noyé, fait apparaître d’aurant mieux mes relations avec le plus grand corps ; et qu’ainsi toutes ces valeurs contestées de liberté, de personnalité, de vertu - contestées parce que liées aux conditions terrestres et aux caractères de la chair – éclatent enfin quand elles sont liées à leur vérité dans le corps du Christ : je peux revenir, si je puis le dire ainsi, à une sorte de déterminisme de la liberté, c'est-à-dire à la sainte prédestination, ...