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Né 16 mars 1911, Patrice de La Tour du Pin, sachant qu'il serait poète ou qu'il ne serait pas, décide à 18 ans du plan de son œuvre.

Une seule œuvre, pour toute une vie.
Il l’appelle « une somme » : l’ensemble de ce qui composera sa production.
« Une somme de poésie », et non de poèmes : il y aura des poèmes, beaucoup de poèmes. Mais la poésie est autre chose que le poème : c'est un mode de vie plus qu’un produit. Une identité à trouver, à conquérir, plus qu'un objet à exposer. L'homme vivra tout entier tendu vers son but ultime : faire Une Somme de poésie qui épousera les phases de sa vie, en trois périodes.

D’abord consacrée à la découverte de lui-même dans le “Jeu du Seul”, la première Somme de poésie est publiée en 1946, marquant la fin de l’adolescence.
Elle se tournera ensuite vers les autres pour bâtir avec eux un “Monde d'amour” : c'est Le Second Jeu, paru en 1959.
Enfin, fort de cette communion fraternelle construite au fil de l’écriture quotidienne, il fera retentir devant Dieu son chant d'homme « au nom de tous les autres qui ne le peuvent pas » : c’est le troisième et dernier « Jeu ».

Tel est le projet imaginé à 18 ans. Tel est celui qu'il a réalisé, avant de mourir le 28 octobre 1975, à 64 ans, ayant pris le temps de réunifier et de refondre l'ensemble des livres et des chapitres, pendant les derniers mois de sa vie. Travail colossal de relecture et de réécriture qui efface les ruptures dues au temps, et s'inscrit dans la cohérence du projet d'origine : écrire un seul livre.

Et voici un autre sujet d'étonnement : lorsqu'en 1964 les responsables de la mise en œuvre de la réforme liturgique décidée par le deuxième Concile du Vatican, demandèrent la collaboration de Patrice de La Tour du Pin à cette gigantesque entreprise de traduction et de création littéraires, c'est dans l'enthousiasme que cet homme sauvage, tout entier tourné vers sa vie intérieure et sa production poétique personnelle, accepta les difficultés et les risques d'un tel projet. Ce travail communautaire réunissant des équipes d'exégètes, de théologiens, de liturgistes, et de responsables pastoraux, fournit depuis près de 50 ans les mots de leur prière aux assemblées liturgiques des catholiques francophones du monde entier. Le poète se fait “liturge”, introduisant ainsi, selon le mot de Pierre Emmanuel, « la poésie dans l’expression canonique de la foi ».

Ce travail long et exigeant n’apparaît qu'en filigrane dans la Somme de poésie, mais le troisième Jeu et l’ensemble de l'œuvre remaniée ont été fortement marqués par lui.

Trois Jeux, trois âges de la vie. La vie et l'œuvre de La Tour du Pin sont intimement mêlées, de la volonté même de l’homme qui n'a jamais eu envie de faire autre chose qu'écrire, de la volonté de l’écrivain qui a toujours intégré les événements de sa petite histoire dans sa grande Somme : ses jeux d'enfants, la chasse, la guerre, son mariage, ses enfants, sa vie a la campagne, ses amis, l’appel de l’Église. Son projet d'écriture fut un projet vital qu’il définit ainsi dans un psaume :
« Il est vrai que j'ai noué ma vie et mon poème
Tu n'as fait que tirer le fil de l'un pour avoir l'autre. » (SP II 300)

Chaque lecteur est invité à trouver le fil qui le conduira au cœur de cette œuvre complexe et profonde où l’amour de la nature, l’amour de Dieu et l’amour des autres sont indémêlables.
Les mots sont là pour le mener.
Isabelle Renaud-Chamska
 
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